En 1995, le réalisateur hollandais Paul Verhoeven commet Showgirls, monument de kitsch et d’outrance, qui mettra à mal sa carrière et dévastera celle de son premier rôle, la jeune Elisabeth Berkley, radiée d’Hollywood pour avoir y interprété à corps perdu une ancienne prostituée déterminée à gravir l’impitoyable hiérarchie du show business de Las Vegas. Fasciné par l’excès, la négation du bon goût et le débordement dans le réel de cette œuvre maudite puis rendue culte par le temps, le tandem de comédiens Jonathan Drillet et Marlène Saldana la détraque davantage en la tirant sur scène dans un solo décadent qui tape autant dans Beckett que dans la culture queer. Showgirl, le spectacle, est un monologue à bout de souffle où s’entrechoquent les invectives les plus sales et cruelles du film, ainsi qu’un show entre pole dance et butoh sur un mamelon volcanique, conçu par Sophie Perez et sonorisé par l’artiste électro-punk Rebeka Warrior. Il n’en fallait pas moins pour rendre justice à un film qui cherche, selon Jacques Rivette, à comprendre « comment survivre dans un monde peuplé d’ordures ».